Quand un inconnu vous offre un livre…

Aujourd’hui j’ai reçu un cadeau. Comme ça, sans chichis ni blabla. Sans même un emballage pour cacher la pudeur du geste ou susciter la curiosité. J’ai reçu un cadeau d’une personne, qui ne m’est pas familière et qui n’a pas vocation à le devenir. Une personne de passage, que je croise parfois dans les couloirs et qui laisse derrière elle une écume de jovialité qui vous invite à ne pas prendre la vie trop au sérieux.

Un don pur, sans ambiguïté ni contrepartie. Aussitôt offert, aussitôt parti. Un cadeau simple presque naturel.

Un livre. Une bande dessinée pour être plus précise. D’auteurs japonais.
« Je me suis dit qu’est-ce que je pourrais lui offrir et ce livre m’a fait penser à vous. »

A l’intérieur est écrit :

« Dans ce recueil de nouvelles, enfants et adultes sont en butte aux difficultés de l’existence, seuls face à eux-mêmes et à leurs espérances. Tanigushi et Utsumi explorent, avec subtilité, ces moments de recul et de réflexion qui déterminent une vie. Avec toujours autant de finesse et d’émotion, l’auteur nous convie à une recherche pleine de sagesse, en quête d’une paix intérieure. »

Je suis touchée.

Je suis touchée car pour moi, offrir un livre c’est faire don d’une petite partie de soi. Choisir un livre est tout un processus. Tout dépend à qui l’on veut l’offrir et pour quelle occasion, voire pour quelle raison. Il répond à l’envie de faire plaisir. De taper juste. On lève le voile sur ses goûts et sur les univers que l’on parcourt seul à l’accoutumé. Vient alors la valse dans les rayons de la librairie. Le dur choix de l’heureux élu. Pas trop épais pour ne pas effrayer ? Pas trop léger pour ne pas vexer ? Plutôt arty ou DIY ? Une fois le graal déniché vient le passage en caisse, prémisse du passage à l’acte : le don du cadeau et tout le plaisir qu’il présage.

Je suis touchée parce que j’adore me plonger dans un livre, cet espace intime où le champ des possibles est infini et d’où l’on sort grandi.

Je suis touchée car le thème a une résonance particulière dans ma vie à cet instant précis.

Je suis touchée car cette personne ne me connaît que très peu. Elle ne connaît ni mon histoire ni mes pérégrinations intellectuelles et elle ne les connaîtra jamais. Et pourtant, elle m’offre un cadeau « qui m’a fait penser à vous ». Par ce geste, elle me tend le miroir de mon âme. Elle m’offre la représentation qu’elle a de moi à un instant T. Et cette représentation est très positive, sereine, dotée d’une force tranquille. Elle me donne confiance en l’avenir.

Je me surprends à le lire avec une attention toute particulière. A scruter chaque bulle, à la recherche des détails qui ont pu lui faire penser à moi. A tourner délicatement chaque page. A effleurer le grain du papier sous mes doigts. A ressentir toutes les émotions des personnages. Je me surprends à le tenir contre moi dans la rue. Il me remplit de joie. Cette lecture inattendue est une invitation à un plongeon dans l’intime sans aucune appréhension.

Une fois que je l’aurai terminé, mon cadeau ira rejoindre les rayons de ma bibliothèque. Je retomberai dessus lorsque l’envie me viendra de le relire, lors d’un déménagement ou d’une envie inopinée de rangement. Ces moments de la vie où l’on a besoin de faire de la place, de faire le tri, de faire le vide, de changer ; bref, de se recentrer pour atteindre la paix intérieure.

Et celui-là qui s’était fait discret saura toujours garder sa place dans ma bibliothèque car à chaque fois que je l’aurai entre les mains, la joie particulière que j’ai ressentie ce jour-là sera réactivée.

Comme une rencontre périodique avec moi-même.